L’étude réalisée par la CTRAD, le service d’étude des Caf en Ile-de-France, apporte des éclairages au débat public actuel sur la connaissance des situations de pauvreté au travers non seulement des publics touchés mais également des territoires où elle est exacerbée.
Elle s’inscrit dans l’actualité politique et sociale ; à l’heure où le plan présenté par le Président de la République ambitionne de prévenir la reproduction de la pauvreté et où la série de mesures annoncées dans cinq grands domaines – petite enfance, enfance, jeunesse, accompagnement vers l’emploi et minima sociaux – doivent être lancées afin d’« éradiquer la pauvreté extrême ».
C’est du côté des Caisses d’allocations familiales que ce regard est susceptible d’apporter encore du discernement sur les choix des publics et des échelles territoriales où pourra s’exercer la stratégie nationale. S’il est vrai que la mission des Caf leur offre la possibilité de suivre de façon régulière les tendances d’évolution des familles avec enfants les plus fragilisées sur le plan économique, elle leur offre aussi, par les prestations qu’elles délivrent, une couverture de la population des jeunes notamment des moins de 18 ans quasiment exhaustive, avec quelques nuances, quand celle de la population en général est souvent proche de 50 %, justifiant la pertinence de ses analyses.
Pour lutter contre la reproduction sociale de la pauvreté, le plan accorde une attention très forte à l’enfance, la petite enfance et les jeunes. Car le sujet de la pauvreté est vaste et peut-être abordé sous divers angles. L’étude que viennent de produire les Caf en Ile-de-France sur les enfants de foyers allocataires vivant dans une famille à bas revenus s’intéresse à la pauvreté monétaire qui renvoie à l’insuffisance des revenus : est pauvre un enfant d’allocataire qui vit dans une famille dont le revenu disponible par unité de consommation est inférieur à 1 052 euros par mois.
Que pointe cette nouvelle étude ? D’abord l’importance du taux de pauvreté des enfants : si, en 2017, 16,9 % de la population francilienne, soit 1,7 million de personnes, vit en dessous du seuil de pauvreté, la pauvreté des enfants est sensiblement supérieure à celle de l’ensemble de la population puisqu’elle atteint 25,3 % en Ile-de-France et 26,8 % dans le Val-de-Marne. La pauvreté infantile n’a par ailleurs cessé de croître + 1,4 point en 2017, malgré les mesures de soutien prises depuis 2013. Pour lutter contre ce déterminisme, l’accent sera mis sur l’accueil dans les crèches pour les enfants de familles défavorisées, sur le soutien à la parentalité, à l’éducation, à la santé, à l’alimentation et au logement. Mais toutefois sans les prestations sociales et familiales et son cortège de mesures prises pour soutenir les ménages considérés comme les plus pauvres, le taux de pauvreté infantile aurait crû de + 13,4 points en Île-de-France pour s’élever à 38,7 %, de + 14,5 points pour atteindre 41,3 % dans le Val-de-Marne. Quel que soit le débat public sur le fait que les prestations permettent seulement aux gens pauvres de vivre mieux et qu’il faut leur donner plutôt les clés pour ne plus l’être, il n’en demeure pas moins que le versement des prestations est un rempart capital pour les familles qui se situent aux franges du seuil de bas revenus et qui peuvent à tout moment basculer dans la pauvreté.
En écho au constat que « près de 20 000 jeunes sortent chaque année du système scolaire sans solution alternative » et qu’au total 12 millions seraient « perdus de vue », les Caf apportent aussi un élément au débat sur la déscolarisation des jeunes de 16 à 17 ans. Lorsque ceux-ci vivent dans une famille pauvre, ils sont davantage exclus du système éducatif ou du marché du travail : 12,5 % d’entre eux sont inactifs et c’est un peu plus du double de l’ensemble des enfants d’allocataires. L’obligation de formation jusqu’à 18 ans est une piste importante du nouveau plan de lutte contre la pauvreté, et la nécessité de repérer ces jeunes décrocheurs pour les mettre en lien avec les missions locales est aussi un enjeu. Le bénéfice de la garantie jeune qui mêle allocation et accompagnement est un outil clé. Les Caf pourront contribuer à mieux identifier ces publics.
Le document fait ressortir les territoires sur lesquels l’accent des politiques publiques devra porter, ceux où le taux de pauvreté est exacerbé. À l’échelle communale, les territoires qui affichent un écart de plus de 20 points par rapport au niveau régional peuvent être considérés avec vigilance : citons dans le Val-de-Marne les communes de Villeneuve-Saint-Georges (52,5 %), Valenton (47,4 %) et Vitry-Sur-Seine (37,7 %). Et lorsque l’on regarde les territoires de la politique de la ville ces écarts sont exacerbés entre les quartiers qui les constituent, le reste de l’Île-de-France et les départements.
D’autres constats rejoignent ceux que le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge a pointés notamment sur l’exposition à la pauvreté plus forte chez les familles allocataires monoparentales et nombreuses. Ensuite, l’importance des phénomènes de reproduction sociale en la matière : « l’enfant d’une famille pauvre a beaucoup plus de risques de se retrouver lui aussi dans une position disqualifiée socialement lorsqu’il atteint l’âge adulte, parce qu’il ne dispose pas des ressources économiques, sociales, ou relationnelles nécessaires ; lutter contre les conséquences de la pauvreté pour les enfants, en termes de risque accru d’exclusion sociale, est donc particulièrement important ».
Toute production de diagnostic sur ces situations donnera du discernement aux actions à conduire.
Bonne lecture,
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